des nouvelles oasis
du Tafilalt
Résumé
Des inventaires botaniques menés en 2018 et 2019 ont permis de déterminer 152 espèces de plantes adventices dans les jardins potagers et les plantations de palmiers-dattiers en cours d’installation sur les regs sahariens du piémont du Haut-Atlas entre Errachidia et Boudnib. Ces adventices profitent de la richesse en sels minéraux des sols sahariens, de l’ameublissement de ces sols par les travaux de terrassement ou les labours, de l’apport d’eau des systèmes d’irrigation au goutte à goutte.
Introduction
Nous avons entrepris en 2015 un inventaire de la flore du Tafilalt en commençant par les milieux naturels, regs, hamadas, maaders, sebkhas, ergs… Ce travail a été mis en ligne sur le site atlas-sahara.org. Puis à partir du printemps 2018 nous avons entrepris l’inventaire de la flore des milieux anthropisés. Les nouveaux espaces mis en valeur dans les regs entre Boudnib et Errachidia se sont avérés être très riches en plantes adventices. Initialement ces regs sahariens, soumis à un surpâturage intense, sont à peu près nus ou recouverts d’une steppe très lâche de plantes qui ne sont pas broutées par les troupeaux, des petits buissons (chaméphytes) comme Anabasis aretioides, Hammada scoparia, Launaea arborescens, Zilla macroptera,etc., ou des herbes aux sucs irritants comme Euphorbia sp., Cleome sp., etc.
La zone d’étude s’étend sur 65 km au long de la route N10 de Meski à Boudnib. De part et d’autre de cette route des terrains de quelques hectares ont été alloués à de petits propriétaires qui y font de la polyculture (légumes, céréales, pastèques, cumin, etc...) alors que des terrains de l’ordre de la centaine d’hectares ont été alloués à des investisseurs pour y implanter des palmeraies. Ces « nouveaux jardins » ou ces « nouvelles palmeraies » sont équipés de forages qui puisent dans la nappe phréatique pour alimenter des systèmes d’irrigation en goutte à goutte.
Les travaux préparatoires à la mise en culture de ces regs, puis l’installation de systèmes d’irrigation créent une multitude de micro-milieux et d’opportunités permettant à une flore adventice riche et variée de s’installer.
La flore du Tafilalt n’avait jamais fait l’objet d’études botaniques spécifiques ; elle est traitée dans des flores plus généralistes comme la Flore pratique du Maroc (Institut scientifique 1999-2014) ou la Flore du Sahara (Ozenda, 2004). Quant aux adventices des zones cultivées, elles ont été étudiées intensivement dans le Nord du Maroc, mais pas encore à notre connaissance en zone saharienne.
L’état initial du reg
A Boudnib -comme dans tout le Sahara- les précipitations sont très irrégulières. On peut observer de longues périodes arides (par exemple 18 mois sans aucune pluie utile entre octobre 2018 et février 2020. Et d’autres années où, sur un laps de temps assez court, il tombe beaucoup plus que les 100 mm de moyenne annuelle (par exemple pendant l’hiver 2014-2015 ou l’été 2018).
Et cette variabilité des précipitations est encore accentuée par la variabilité des sols et de l’eau disponible pour la végétation.
L’apparente monotonie du reg masque une mosaïque de milieux très différents :
+ des zones de végétation continue
Lorsque le reg est recouvert d’un voile sableux, la pluie pénètre facilement dans le sol, il n’y a pas de ruissellement, la végétation dispose «en moyenne» de 100 mm d’eau par an et une steppe buissonneuse, lâche mais continue peut s’installer.
+ des zones de végétation contractée
Lorsque le reg est recouvert d’une croûte superficielle durcie, la dynamique des eaux différentie quatre types de zones :
- des zones nues
Ces zones, privées d’eau par le ruissellement, sont dénuées de toute végétation ou colonisées par des plantes comme Anabasis aretioides qui ont des adaptations très particulières et peuvent se créer des micro-milieux favorables.
- des lignes de drainage
Là où la pente est douce, des lignes de drainage collectent la pluie avec un écoulement lent qui permet aux sables et aux limons de se déposer. Ces lignes de drainage forment un réseau de coulées vertes qui s’opposent brutalement à la nudité minérale du reg qu’elle drainent.
- des dayas
Là où le relief est peu accentué, les lignes de drainage viennent alimenter des mares temporaires, les dayas, qui mesurent typiquement de quelques dizaines à quelques centaines de mètres de diamètre. Ces dayas peuvent rester en eau pendant des jours ou des semaines et accueillent une végétation buissonnante ou arbustive.
- des oueds
Là où les pentes du relief sont plus fortes les eaux creusent des oueds dont le lit mineur est dépourvu de végétation, mais dont les berges peuvent accueillir des arbustes ou même des arbres.
L’état initial de la végétation
La végétation du Tafilalt n’a rien de «naturel», de «sauvage» ou de «climacique». Les gravures rupestres attestent que lors de la dernière phase humide du «Sahara vert», il y a 5000 ans, les hommes du néolithique étaient déjà là avec leurs troupeaux.
Pendant toute la phase de désertification, les hommes ont dû s’adapter au climat en développant un élevage semi-nomade et en sélectionnant des races de plus en plus rustiques capables de survivre en années sèches en s’attaquant aux végétaux les plus coriaces ou les plus toxiques.
La végétation a dû s’adapter sous trois contraintes : l’aridité, le surpâturage et la collecte du bois de feu.
La nudité des regs du Tafilalt est donc la conséquence de ces trois causes.
L’intérêt de l’étude des nouvelles oasis pour les botanistes est que cette nouvelle utilisation du sol ménage des écarts où tout ou partie de ces contraintes disparaissent.
Les nouveaux jardins
Jardins de 5 hectares alloués à des particuliers.
Une pompe alimentée par des panneaux solaires puise l’eau dans la nappe phréatique à environ 80m de profondeur. L’eau est stockée dans un bassin en terre étanchéifié par une bâche en plastique.
Les potagers, comme ceux des oasis traditionnelles, sont de facto gérés «en bio». Pas d’engrais car les sols sahariens sont riches en sels minéraux, ou alors seulement des crottes de moutons. Pas d’herbicides : le désherbage est manuel et son produit sert à nourrir les chèvres. Pas d’insecticides dans ces cultures variées à rotation rapide.
Les nouvelles plantations de palmiers
Plantations industrielles de palmiers dattiers majhoul, promues par l’État marocain dans le cadre du plan «Maroc vert».
Des plantes sahariennes qui profitent des travaux de terrassement
Les trous de plantation des palmiers et les fossés creusés pour recevoir les tuyauteries de répartition de l’irrigation sont rapidement colonisés par des annuelles, comme Diplotaxis pitardiana, Limonium bonduelli et bien d’autres.
Ces trous créent une zone de calme pour les vents qui y déposent des limons fins et des graines. Lors d’une pluie, leur sol ameubli stocke l’eau. Le fond du trou et la face exposée au nord sont protégés des effets desséchants du vent et du soleil.
Le décapage de la croûte superficielle
De grandes surfaces du reg sont recouvertes par une croûte superficielle dure créée par le dépôt des sels minéraux lorsque l’eau vient s’évaporer en surface.
Cette croûte empêche les eaux de pluie de pénétrer dans le sol et favorise leur écoulement rapide vers les lignes de drainage.
Cette croûte limite aussi le stockage de graines par le sol et la possibilité pour les plantes d’installer leur système racinaire.
La croûte de surface est à peine cassée qu’on voit toutes sortes de plantes venir s’installer dans ce qui était auparavant un reg à peu près nu.
Liste des plantes sahariennes inventoriées en 2018, 2019 dans les nouveaux jardins
Amaranthaceae
Anabasis aretioides Coss. & Moq. ex Bunge
Anabasis oropediorum Maire
Chenopodium vulvaria L.
Halogeton sativus (L.) Moq.
Hammada scoparia (Pomel) Iljin
Amaryllidaceae
Pancratium trianthum Herb.
Apiaceae
Daucus sahariensis Murb.
Eryngium ilicifolium Lam.
Arecaceae
Phoenix dactylifera L.
Asparagaceae
Battandiera amoena (Batt.) Maire
Dipcadi serotinum (L.) Medik.
Vera-duthiea noctiflora (Batt. & Trab.) Speta
Asteraceae
Anvillea garcinii subsp.radiata (Coss. & Durieu) Anderb.
Asteriscus graveolens (Forssk.) Less.
Atractylis babelii Hochr.
Atractylis delicatula Batt. ex L. Chevall.
Carlina brachylepis (Batt.) Meusel & Köstner
Carthamus duvauxii (Batt.) Prain
Catananche arenaria Coss. & Durieu
Centaurea maroccana Ball
Filago desertorum Pomel
Ifloga spicata (Forssk.) Sch. Bip.
Lasiopogon muscoides (Desf.) DC.
Launaea arborescens (Batt.) Murb.
Launaea lanifera Pau
Launaea nudicaulis (L.) Hook. f.
Nolletia chrysocomoides (Desf.) Cass.
Otoglyphis pubescens (Desf.) Pomel
Pallenis hierichuntica (Michon) Greuter
Scorzonera undulata Vahl
Boraginaceae
Arnebia decumbens (Vent.) Coss. & Kralik
Echium humile subsp. pycnanthum Greuter & Burdet
Echium trygorrhizum Pomel
Brassicaceae
Anastatica hierochuntica L.
Diplotaxis harra (Forssk.) Boiss.
Diplotaxis pitardiana Maire
Diplotaxis virgata (Cav.) DC.
Eruca pinnatifida (Desf.) Pomel
Farsetia occidentalis B. L. Burtt
Iberis odorata L.
Malcolmia africana (L.) R. Br.
Matthiola maroccana Coss.
Morettia canescens Boiss.
Moricandia suffruticosa (Desf.) Coss. & Durieu
Capparaceae
Capparis spinosa L.
Cleome amblyocarpa Barratte & Murb.
Cleome arabica L.
Caryophyllaceae
Gymnocarpos decandrus Forssk.
Herniaria cinerea DC.
Paronychia arabica (L.) DC.
Paronychia chlorothyrsa Murb.
Pteranthus dichotomus Forssk.
Silene vivianii Steud.
Telephium sphaerospermum Boiss.
Cistaceae
Helianthemum lippii (L.) Dum. Cours.
Helianthemum ruficomum (Viv.) Spreng.
Colchicaceae
Androcymbium gramineum (Cav.) J. F. Macbr.
Convolvulaceae
Convolvulus supinus Coss. & Kralik
Cucurbitaceae
Citrullus colocynthis (L.) Schrad
Dipsacaceae
Lomelosia stellata (L.) Raf.
Euphorbiaceae
Euphorbia retusa Forssk.
Euphorbia retusa x calyptrata
Fabaceae
Adenocarpus bacquei Batt. & Pit.
Astragalus boeticus L.
Astragalus crenatus Schult.
Astragalus stella Gouan
Medicago laciniata (L.) Mill.
Geraniaceae
Erodium glaucophyllum (L.) L’Hér.
Erodium guttatum (Desf.) Willd.
Erodium pulverulentum (Cav.) Willd.
Lamiaceae
Salvia aegyptiaca L.
Teucrium aureo-candidum Andr.
Orobanchaceae
Cistanche violacea (Desf.) Hoffmanns. & Link
Plantaginaceae
Acanthorrhinum ramosissimum Rothm.
Kickxia aegyptiaca (L.) Näbelek
Kickxia heterophylla (Schousb.) Dandy
Linaria warionis Pomel
Plantago amplexicaulis Cav.
Plantago ciliata Desf.
Plantago coronopus L.
Plantago ovata Forssk.
Plumbaginaceae
Ceratolimon feei (Girard) M. B. Crespo & Lledo
Limonium bonduellei (T. Lestib.) Kuntze
Poaceae
Cenchrus divisus (J. F. Gmel.) Verloove, Govaerts & al.
Cymbopogon schoenanthus (L.) Spreng.
Imperata cylindrica (L.) Raeusch.
Rostraria cristata (L.) Tzvelev
Stipa capensis Thunb.
Stipa parviflora Desf.
Polygonaceae
Polygonum aviculare subsp. rurivagum (Jord.) Berher
Rumex vesicarius L.
Resedaceae
Reseda arabica Boiss.
Reseda lutea L.
Reseda phyteuma L.
Reseda villosa Coss.
Rhamnaceae
Ziziphus lotus (L.) Lam.
Rubiaceae
Crucianella hirta Pomel
Solanaceae
Solanum nigrum L.
Thymelaeaceae
Thymelaea microphylla Coss. & Durieu ex Meisn.
Xanthorrhoeaceae
Asphodelus tenuifolius Cav.
Zygophyllaceae
Fagonia glutinosa Delile
Sur les 318 espèces des milieux désertiques inventoriées entre 2015 et 2019 dans le Tafilalt, nous en avons observé 120 dans les nouveaux jardins.
Certaines de ces plantes étaient déjà présentes avant la transformation du reg, d’autres devaient sommeiller dans la banque de graines du sol, d’autres enfin ont pu avoir leurs graines apportées par les vents.
Lorsqu’on suit la végétation d’une même zone de reg année après année, on est surpris de constater que certaines plantes sont régulièrement présentes, mais que d’autres ne poussent que très épisodiquement.
Et ceci est vrai non seulement pour les annuelles, mais aussi pour les plantes à bulbes.
Des plantes pourtant aussi visibles que Pancratium trianthum ou Battandiera amoena peuvent être absentes plusieurs années de suite et fleurir en masse après un long sommeil souterrain.
La végétation du reg une année donnée dépend donc bien sûr des caractéristiques du milieu, et bien sûr aussi de la banque de graines ou de bulbes contenue dans le sol, mais elle dépend aussi des aléas du cycle climatique.
Et ce n’est pas seulement une affaire de savoir combien de millimètres de pluie sont tombés, mais aussi de savoir quand ils sont tombés.
Des grosses pluies au mauvais moment peuvent ne provoquer aucune pousse de la végétation. Par contre quelques petites pluies bien espacées peuvent suffire à faire sortir l’acheb.
Des plantes sahariennes qui profitent de la mise en défens
Les « nouveaux jardins » ou les « nouvelles palmeraies » sont encloses et leur accès est interdit aux troupeaux. Les zones qui ne sont pas utilisées par l’agriculture, allées, ravinelles, peuvent être librement colonisées par toutes les plantes du reg et notamment par celles qui craignent le surpâturage comme les Brassicacées, les Fabacées, les Résédacées ou les Asteracées.
Des plantes sahariennes qui profitent d’un surplus d’humidité
Des plantes méditerranéennes déjà présentes dans les oasis traditionnelles
Les plantes adventices des carrés irrigués par inondation des oasis traditionnelles s’installent facilement dans les cuvettes ou les layons irrigués en goutte à goutte.
Leurs graines ont pu arriver dans une motte à repiquer, sur un outil boueux, dans les crottes de mouton utilisées comme fumier… Ces plantes sont bien connues des cultivateurs des oasis et ils savent les gérer, par exemple des liserons, des chénopodes ou des rumex.
Adventices des oasis traditionnelles inventoriées en 2018, 2019 dans les nouveaux jardins
Amaranthaceae
Amaranthus viridis L.
Chenopodiastrum murale (L.) Fuentes, Uotila & Borsch
Chenopodium album L.
Chenopodium vulvaria L.
Asteraceae
Calendula tripterocarpa Rupr.
Erigeron bonariensis L.
Brassicaceae
Moricandia suffruticosa (Desf.) Coss. & Durieu
Sisymbrium irio L.
Caryophyllaceae
Silene rubella subsp. segetalis (Dufour) Nyman
Vaccaria hispanica (Mill.) Rauschert
Convolvulaceae
Convolvulus arvensis L.
Fabaceae
Melilotus indicus (L.) All.
Melilotus sulcatus Desf.
Trigonella polyceratia L.
Vicia faba L.
Malvaceae
Malva parviflora L.
Papaveraceae
Fumaria densiflora DC.
Plantaginaceae
Plantago afra L.
Poaceae
Anisantha rubens (L.) Nevski
Avena barbata Link
Hordeum murinum L.
Rostraria cristata (L.) Tzvelev
Portulacaceae
Portulaca oleracea L.
Solanaceae
Solanum nigrum L.
Sur les 119 espèces inventoriées entre 2015 et 2019 dans les oasis traditionnelles du Tafilalt, nous n’en avons retrouvé que 24 dans les nouvelles oasis.
Ce nombre est faible, mais les nouvelles oasis ne disposent pas encore des sols avec humus ni des milieux frais et ombragés qui existent dans les anciennes oasis sous le double couvert des palmiers et des oliviers.
Des adventices présentes dans des lots de graines
Nous avons été appelés par un cultivateur dont le champs de cumin était envahi par une autre ombellifère, en l’occurence Scandix stellata, une plante très rare au Maroc.
D’autres champs de cumin étaient indemnes. Après enquête il s’est avéré que le marchand de graines disposait de lots de deux provenances différentes. Le sac de graines en provenance de Tazarine au Maroc était sain, mais celui importé de Turquie était contaminé par l’adventice.
Zuvanda crenulata et Linaria chalepensis sont deux espèces de l’Est de la Méditerranée qui étaient jusqu’ici inconnues au Maroc. On peut supposer qu’elles sont arrivées comme Scandix stellata dans un lot de graines de cumin importé de Turquie.
Linaria chalepensis (L.) Mill.
Scandix stellata Banks & Sol
Zuvanda crenulata (DC.) Askerova
Des plantes cosmopolites importées involontairement par les hommes
Nous avons rencontré trois espèces de morelles (Solanum nigrum, S. villosum & S. eleagnifolium) et cinq espèces d’amaranthes (Amaranthus albus, A. blitoides, A. hybridus, A. powelli & A. viridis).
Comment sont-elles arrivées ? Peut-être avec la terre collée sur des engins de chantier.
La plupart de ces plantes ne se développent pas suffisamment pour être gênantes à une exception près : l’Amaranthacée Bassia indica qui peut être extrêmement invasive.
Bassia indica, une plante invasive à surveiller de près
Bassia indica est une Amaranthacée originaire d’Asie. C’est une plante des sols arides, légèrement salés. Au départ elle a été transplantée dans plusieurs pays comme l’Égypte ou l’Australie comme fourrage pour mettre en valeur des terres incultes. Mais elle a posé des problèmes car elle se répand très rapidement dans des endroits où elle n’est pas souhaitée. Elle est considérée maintenant comme une plante invasive à éliminer.
Jusqu’il y a peu, Bassia indica n’était connue au Maroc que de rares endroits, dans la basse vallée de la Moulouya ou autour de Marrakech. Comment est-elle arrivée dans le Tafilalt, nul ne le sait, mais elle y prolifère au point de devenir franchement envahissante et de devoir être traitée.
En 2019 nous l’avons trouvée envahissant une plantation de palmiers à Meski et une culture de melons à Boudnib. Mais nous l’avons aussi vue par pieds isolés dans bien d’autres endroits.
La meilleure solution serait de la couper lorsqu’elle est encore verte, avant que les graines soient mûres et de la donner comme fourrage aux chèvres ou aux ânes.
Il ne faut surtout pas la couper et l’abandonner lorsqu’elle est mature car ses grandes tiges donnent prise au vent qui peut emporter les plantes sèches au loin et disséminer les graines.
Liste des espèces «nouvelles pour le Tafilalt»
...c’est à dire inventoriées dans les nouvelles oasis mais n’ayant pas été rencontrées ni dans les zones désertiques ni dans les oasis traditionnelles.
À part Scandix stellata, Zuvanda crenulata et Linaria chalepensis, trois espèces de l’Est de la Méditerranée qui étaient jusqu’ici inconnues au Maroc, toutes les autres plantes «nouvelles pour le Tafilalt» sont des plantes banales dans le reste du Maroc.
Amaranthaceae
Amaranthus albus L. : occasionnelle, en limite de répartition.
Bassia indica (Wight) A. J. Scott : envahissante récente, en pleine expansion.
Apiaceae
Scandix stellata Banks & Sol : envahissant une culture de cumin, venue avec la semence du commerce.
Torilis nodosa (L.) Gaertn. : adventice méditerranéenne commune.
Asteraceae
Mauranthemum gaetulum (Batt.) Vogt & Oberpr : plante du revers sud du Haut-Atlas.
Sonchus oleraceus L. : rudérale commune dans tout le Maroc.
Boraginaceae
Anchusa hispida Forssk. : annuelle des pâturages aride.
Ogastemma pusillum Brummitt : annuelle des dayas et oueds sablonneux.
Brassicaceae
Hirschfeldia incana (L.) Lagr.-Foss : adventice commune au Nord du Maroc.
Zuvanda crenulata (DC.) Askerova : adventice de l’Est de la Méditerranée.
Cyperaceae
Cyperus rotundus L. : adventice commune des cultures irriguées.
Fabaceae
Coronilla scorpioides (L.) W.D.J. Koch : adventice des cultures, commune dans tout le Maroc.
Medicago sativa L. : cultivé et subspontané en zone méditerranéenne.
Scorpiurus muricatus L. : adventice des cultures en zone méditerranéenne.
Vicia sativa L. : cultivé et subspontané en zone méditerranéenne.
Papaveraceae
Roemeria hybrida (L.) DC. : cultivé et subspontané en zone méditerranéenne.
Plantaginaceae
Linaria chalepensis (L.) Mill. : plante signalée pour la première fois au Maroc. Plante du Nord -Est de la Méditerranée. Habitat
Poaceae
Echinochloa colona (L.) Link : adventice des zones humides ou irrigués. Connue au Nord et à l’Ouest.
Eragrostis pilosa (L.) P. Beauv. : pâturages sablonneux ou pierreux des zones arides.
Lolium rigidum Gaudin : graminée des steppes. Tout le Maroc.
Phalaris canariensis L. : cultivé et subspontané en zone méditerranéenne.
Polypogon monspeliensis (L.) Desf. : zones inondées temporairement en hiver. Tout le Maroc.
Discussion
L’inventaire de ces adventices va devoir se poursuivre encore plusieurs années. En 2018-2019, 151 espèces de plantes adventices, appartenant à 34 familles, ont été trouvées. Ce nombre est faible par rapport aux décomptes qui peuvent être faits au Nord du Maroc, mais il est élevé pour une zone saharienne.
Ce nombre devrait s’accroître sensiblement dans les années à venir. 2018 avait été une année atypique avec des pluies estivales ; 2019 a été une année très aride ; une année avec de bonnes pluies hivernales devrait voir surgir davantage d’annuelles.
En 2020 les prospections ont dû être arrêtées à partir du 15 mars à cause du confinement lié au Covid19. C’est dommage car plusieurs belles pluies en mars, avril et mai avaient permis à la végétation de bien se développer.
La transformation du milieu n’en est qu’à son début, de nouvelle espèces devraient coloniser les plantations de palmiers au fur et à mesure que les arbres grandiront et modifieront les conditions d’ensoleillement et d’humidité à leur pied.
Pour la botanique, le principal intérêt de ces nouveaux jardins et de ces nouvelles oasis, c’est qu’ils ménagent des écarts où les plantes sahariennes peuvent librement se développer à l’abri du surpâturage.
Remerciements
Nos remerciements vont aux cultivateurs de ces nouvelles oasis, qu’ils soient propriétaires d’un potager de quelques hectares ou ouvriers agricoles sur d’immenses plantations de palmiers. Tous nous ont accueillis avec beaucoup de gentillesse, nous ont laissés circuler et faire des photos librement et nous ont rarement laissés repartir sans avoir bu le thé et partagé le pain et l’huile.
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