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Matériaux pour la Flore du Sahara : le genre Tamarix
Un dossier rassemblé par Claude Lemmel avec des photographies de Zahora Attioui/atlas-sahara.org et Abdelmonaim Homrani Bakali/teline.fr et une clef de détermination dessinée par Annie Garcin.
Les tamaris sont des arbres ou des arbustes bien répandus dans le Nord de l'Afrique et dans le Sahara.
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1. Les tamaris dans les paysages sahariens : l'exemple du Tafilalet
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Les cinq zones rouges numérotées sont illustrées ci-dessous par des photos de paysage.
1.1. Le lac Zelmou
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Les zones que nous avons explorées étaient composées exclusivement de Tamarix gallica ; mais on ne peut pas exclure que d'autres espèces soient présentes localement. Cette tamariçaie est pâturée par des troupeaux de dromadaires.
1.2. Confluence des oueds Guir, Bouanane et Zelmou
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1.3. Le «lac» de Merzouga
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Comment les flamants roses qui fréquentent habituellement les lagunes maritimes sont-ils informés qu'un lac s'est formé à plus de 500km à l'intérieur du Sahara ? Mystère !
1.4. Confluence de l'oued Begaa avec l'oued Ziz
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Les vieux pieds de Tamarix amplexicaulis (comme ceux de T. aphylla) accumulent le sable et finissent par se retrouver sur une butte.
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Un beau pied de Tamarix aphylla colonisé par des cistanches jaunes.
1.5. Oued Daoura
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Le lit de l'oued est bordé de fourrés denses de T. gallica, T. aphylla et T. amplexicaulis.
2. Comment déterminer les espèces ?
Dans sa Flore du Sahara Paul Ozenda écrit :
"L'étude du genre Tamarix est extrèmement difficile. Les diverses espèces se ressemblent beaucoup entre elles et sont très polymorphes ; les caractères distinctifs invoqués sont souvent de simples détails ... et beaucoup de ces caractères paraissent inconsistants..."
Les auteurs de la Flore pratique du Maroc sont tout aussi prudents :
"Genre très difficile vu la très grande variabilité des caractères morphologiques des espèces. Plusieurs parmi celles décrites jusqu'à présent ne méritent pas vraiment ce rang. La clé suivante ... exige d'avoir des échantillons fleuris".
Et la publication la plus récente sur ce genre (BIHAOUI & al., 2020a) s'intitule "Les erreurs d’identification des espèces du genre Tamarix L. au Maroc : clés non uniformes et espèces polymorphes."
La détermination des tamaris du Sahara est donc compliquée à partir des clefs existantes. D'un côté ces clefs exigent d'avoir des échantillons avec fleurs ET fruits, ce qui est rarement possible. De l'autre ces clefs ignorent des caractéristiques faciles à observer sur le terrain, par exemple le port ou la couleur. Enfin -à l'exception de Tamarix aphylla- les caractères basés sur les feuilles sont délicats à utiliser car la forme et la dimension des feuilles peuvent varier d'une branche à l'autre d'un même arbuste, et plus encore d'une saison à l'autre.
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Ce n'est pas toujours compliqué de déterminer les tamaris. En haut T. boveana, en bas T. gallica, déterminables au premier coup d'oeil en période de floraison.
Notre travail photographique de 2015 à 2021 nous a montré qu'il était possible de reconnaitre les tamaris sur le terrain et qu'il devait être réalisable d'en donner des descriptions photographiques précises et des clefs de détermination à toutes les saisons.
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Zahora Attioui faisant une macro-photographie d'un rameau prélevé sur un pied de Tamarix amplexicaulis.
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Nous avons bien avancé ce travail pour le Maroc et la Mauritanie et nous sommes ouverts à des collaborations avec des collègues des autres pays pour l'étendre à tout le Sahara.
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Deux rameaux cueillis sur deux pieds de tamaris poussant côte à côte mais d'aspect différent. Les dimensions des feuilles sont sensiblement les mêmes et les clefs existantes ne permettent pas de départager ces taxons, par contre les clefs photographiques devront le permettre.
A droite, feuilles vert-vif, brillantes : Tamarix africana.
A gauche, feuilles vert-mat avec de nombreuses ponctuations : Tamarix gallica.
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A droite T. africana, un espèce précoce dont les chatons de fleurs sont apparus en février-mars sur les vieux bois de l'année passée ; en mai les fruits sont déjà tombés et il ne reste que l'axe du chaton et les bractées persistantes.
A gauche T. gallica qui n'a fleuri puis fructifié que plus tardivement, sur les jeunes rameaux de l'année en cours.
3. Causes des variations morphologiques
La variabilité morphologique des tamaris a causé bien des soucis à des générations de botanistes, et ceci pour de multiples raisons :
vouloir décrire et nommer tous les exsiccatas en tenant compte de toutes les variations de détail a conduit à créer un nombre considérables de taxons dont Ozenda devait dire avec une prudente sévérité "On ne peut pas assurer a priori que toutes ces espèces soient sans valeur, mais on peut encore moins en l'état actuel des connaissances assurer qu'elles en ont une."
du point de la taxonomie ou de la biogéographie, il faudrait réussir à se limiter aux taxons génétiquement fixés. Mais comment savoir ?
du point de vue de l'écologie, des variations phénotypiques, liées aux conditions du milieux, peuvent être intéressantes. Ce serait très utile par exemple si on pouvait corréler telle variation d'une espèce de tamaris au degré de salinité du sol dans lequel il pousse.
il est possible de trouver des pieds de tamaris qui sont très différents mais appartiennent à la même espèce. cf T. pauciovulata & T. balansae.
inversement, il est possible de trouver des tamaris qui se ressemblent beaucoup mais qui n'appartiennent pas à la même espèce. cf T. gallica & T. canariensis
Essayons maintenant d'illustrer notre propos !
3.1 > Position dans le rameau
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Une branche «folle» de T. gallica. Les rameaux sont tous différents, avec des bractées et des feuilles de tailles différentes. Lors d'une collecte ou d'une photo, ce genre de branche doit être écarté. Il faut chercher au contraire des branches les plus régulières possibles ; en pratique l'ideal est de choisir une branche avec des rameaux de l'année, qui n'ont pas souffert des aléas du climat et n'ont pas été attaqués par des animaux.
3.2 > Stress climatique
Les tamaris arbustifs sahariens poussent dans des sols très variables : ils peuvent subir de très longues périodes hyper-arides, puis lors des crues des oueds ou des chotts avoir leurs racines noyées pendant des jours ou des semaines. Ils peuvent pousser dans des sols délavés, avec une salinité faible ou nulle, ou au contraire prospérer dans des sols saturés en sels.
Plusieurs espèces de tamaris ont des feuilles ponctuées de stomates profondes qui peuvent exsuder l'excédent de sel. La couche de sel peut être présente ou absente selon les saisons, pulvérulente ou cristalline.
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Il est vraisemblable que la morphologie des feuilles répond au moins en partie à la nature de la sève ascendante qu'elles ont reçue, de douce et abondante à rare et saturée en sel.
3.3 > Réaction au broutage
Les tamaris sont activement broutés par les ânes et les dromadaires ; cela se traduit par des changements structuraux et morphologiques importants sur les rameaux, comme c'est le cas pour bien d'autres espèces des milieux arides (oliviers, arganiers, sumacs, globulaires, ...)
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Un jeune rameau bien régulier de T. amplexicaulis.
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