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Eruca sativa (L.) Miller

La roquette des jardins, Eruca sativa, avant Linné
Garden rocket, Eruca sativa , before Linnaeus


La roquette des jardins est une plante cultivée dans le monde méditerranéen depuis l'antiquité jusqu'à aujourd'hui ; ses feuilles sont consommées comme salades et les graines utilisées pour leurs propriétés médicinales. Aux Indes elle est utilisée pour produire de l'huile à partir des graines.


Garden rocket is a plant cultivated in the Mediterranean world from antiquity until today ; its leaves are eaten as salads and the seeds used for their medicinal properties. In India it is used to produce oil from the seeds.

Page extraite du 'Materia medica' de Dioscorides, un médecin grec mort en 90 après JC.
De multiples versions de ce livre ont circulé sous la forme de manuscrits puis de livres imprimés, depuis l'antiquité gréco-latine jusqu'à la Renaissance.
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Page from the 'Materia medica' of Dioscorides, a Greek doctor who died in 90 AD.
Multiple versions of this book have circulated in the form of manuscripts and then printed books, from Greco-Latin antiquity to the Renaissance.
Page extraite des 'Grandes heures d'Anne de Bretagne' 1503-1508
Page extraite du 'New Kreüterbuch' de Fuchs, 1543
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Page extraite de 'Plantarum seu stirpium icones' de Lobel, 1581.
Illustration extraite de 'Curious herbal' de Elizabeth Blackwell, 1737-1739
Dessin extrait de 'Institutiones rei herbariae' de Piton de Tournefort, 1700-1703

A l'exception de l'enluminure du "Materia medica" de Dioscoride, les autres illustrations montrent une roquette qui a des feuilles découpées, terminées par un grand lobe, et une tige florifère lâche terminée par quelques boutons floraux encore fermés.

With the exception of the illumination of Dioscorides' "Materia medica", the other illustrations show an rocket which has cut leaves, terminated in a large lobe, and a loose flowering stalk terminated by a few flower buds still closed.

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La roquette des jardins typifiée par Linné (1753) sous Brassica eruca
The garden rocket typified by Linnaeus (1753) under Brassica eruca


En 1753, dans le "Species plantarum", Linné nomme la roquette de jardins Brassica eruca en faisant référence aux auteurs qui l'ont précédé (dont Fuchs) et dont nous avons donné l'illustration ci-dessus. Il note que cette plante "Habitat in Helvetia" (habite en Suisse !).

Les sites internet linnean-online.org et linnaeus.nrm.se ont mis en ligne une partie des herbiers de Linné. Cafferty S. & Jarvis C.E. (2002) indiquent que le type original est l'exsiccata 844.18 ci dessous :


In 1753, in the "Species plantarum", Linnaeus names the garden rocket Brassica eruca by referring to the authors who preceded it, including Fuchs from wich we have given the illustration above. He notes that this plant "Habitat in Helvetia" (lives in Switzerland !).

The linnean-online.org and linnaeus.nrm.se websites have put part of Linnaeus' herbaria online. Cafferty S. & Jarvis C.E. (2002) indicate that the original type is exsiccata 844.18 below :


Il s'agit là d'un jeune pied en début de floraison, conforme aux dessins des auteurs antérieurs.


This is a young plant at the start of flowering, in accordance with the drawings of previous authors.

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Il existe dans l'herbier de Linné un autre exsiccata, fructifié :

There is in Linnaeus's herbarium another exsiccata, fructified :

Les siliques sont conformes au dessin de Tournefort.

The pods conform to Tournefort's illustration.

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Après Linné, retour à Eruca sativa
After Linnaeus, back to Eruca sativa

Au moins trois auteurs n'ont pas accepté le Brassica eruca de Linné et ont préféré revenir au Eruca sativa antérieur : Garsault en 1767 dans "Description, vertus et usages de sept cents dix-neuf plantes, tant étrangères que de nos climats", Miller en 1768 dans "The Gardener's Dictionary" et Lamarck dans l'Encyclopédie botanique (1783-1808).

At least three authors have not accepted Linnaeus' Brassica eruca and have preferred to return to the previous Eruca sativa : Garsault in 1767 in "Description, vertus et usages de sept cents dix-neuf plantes, tant étrangères que de nos climats", Miller in 1768 in "The Gardener's Dictionary" and Lamarck in the "Encyclopédie botanique" (1783-1808).

Donnons quelques illustrations classiques :

Let's give some classic illustrations :

Planche extraite de 'Description, vertus et usages de sept cents dix-neuf plantes, tant étrangères que de nos climats' de Garsault, 1767
Planche extraite de l'herbier de la France, Bulliard, 1776-1783.
Planche extraite de 'Hortus romanus' de Nicolao Martellio, 1772-1793.
Planche extraite de 'Das Pflanzenreich', Engler, 1919
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Les errements du jeune Thellung (1909)
The wanderings of the young Thellung (1909)

Jusqu'ici tout était relativement clair : Eruca sativa est une plante cultivée depuis l'antiquité, on en a une description précise, Linné l'a valablement typifiée, personne n'a fait d'hypothèses sur ses ancêtres sauvages.

Survient le jeune Thellung, un botaniste suisse qui choisit comme sujet de thèse de doctorat à l'Université de Zürich, de traiter de la "Flore adventice de Montpellier".

Dans son texte, Thellung décide de renommer Eruca sativa en Eruca vesicaria var. sativa (Gars.) Thell. Pourquoi ? Nul ne le sait car il n'en donne aucune justification !

Cette fantaisie du jeune Thellung va avoir des conséquences fâcheuses pour la suite :

  • ce nom va être recopié de botanistes en botanistes, jusqu'à aujourd'hui, par exemple dans Flora europeae, dans Flora gallica, dans la Flore de la France méditerranéenne continentale ou dans l'Index synonymique de la Flore de l'Afrique du Nord !
  • cette erreur nomenclaturale serait sans grande importance si elle n'avait pas entrainé de facto d'autres erreurs en cascade en obscurcissant la question des rapports entre E. sativa, E. vesicaria et les espèces sauvages présentes autour de la Méditerranée. Nous y reviendrons plus loin !
  • notamment ce nom sous-entend que E. sativa serait un cultivar de E. vesicaria ce qui est de toute évidence faux

En attendant, oublions Thellung, et restons-en au nom le plus couramment admis de Eruca sativa Miller.

So far everything was relatively clear : Eruca sativa has been a plant cultivated since antiquity ; we have a precise description of it ; Linnaeus validly typified it ; no one made any assumptions about his wild ancestors.

Arrives the young Thellung, a Swiss botanist who chooses as the subject of his doctoral thesis at the University of Zurich, to deal with the "Flore adventice de Montpellier".

In his text, Thellung decided to rename Eruca sativa to Eruca vesicaria var. sativa (Gars.) Thell. Why ? No one knows because he gives no justification !

This fantasy of the young Thellung will have unfortunate consequences for the future :

  • this name will be copied from botanists to botanists, until today, for example in Flora europeae, in Flora gallica, in the "Flore de la France méditerranéenne continentale" or in the "Index synonymique de la Flore de l'Afrique du Nord" !
  • this nomenclatural error would be of no great importance if it had not de facto resulted in other cascading errors by obscuring the question of the relationships between E. sativa, E. vesicaria and the wild species found around the Mediterranean. We will come back to this later !
  • in particular this name implies that E. sativa is believed to be a cultivar of E. vesicaria which is obviously wrong

Let's forget about Thellung, and stick to the more commonly accepted name of Eruca sativa Miller.

Quelles photos pour la roquette des jardins ?
What photos for the garden rocket ?

Lorsqu'on cherche sur internet des photos de roquette des jardins, on trouve une foule d'images de différentes plantes nommées "roquette" en langage populaire : beaucoup d'Eruca sp. (photos indéterminables de corolles fleuries), mélangées à des Erucastrum, des Diplotaxis...

Le site inaturalist.org est un cauchemar : il y a plus de 2000 photos cataloguées Eruca dont 98% sont inintéressantes ou erronées !

Voici quelques photos sélectionnées qui sont conformes à la description botanique du taxon Eruca sativa :

When you search the internet for pictures of garden rocket, you will find plenty of images of different plants called "rocket" in popular language : lots of Eruca sp. (indeterminable photos of flowering corollas), mixed with Erucastrum, Diplotaxis ...

The inaturalist.org site is a nightmare : there are over 2000 cataloged Eruca photos, 98% of which are uninteresting or wrong !

Here are some selected photos that conform to the botanical description of the Eruca sativa taxon :

Dans les jardins ethnobotaniques de Salagon (France).
Photo L. Chaber
Dans un potager près de Hyères (France)
Photo L. Chaber
Al Yasmina 2 (2021) - ErucaEruca sativa - 7/7
Dans un potager à Untereisesheim, Allemagne
Photo Léo Michels /commons.wikimedia.org
Dans un potager à Untereisesheim, Allemagne
Photo Léo Michels /commons.wikimedia.org
Adventice à Montpellier
Photo Michel Chauvet
/uses.plantnet-project.org
Adventice à Montpellier
Photo Michel Chauvet
/uses.plantnet-project.org

A ce stade, Eruca sativa Miller est une espèce bien caractérisée morphologiquement :

  • feuilles basales découpées, terminées par un grand lobe
  • port érigé
  • tiges florales terminées par une petite grappe de boutons non épanouis
  • calice caduc
  • silique glabre à bec plus court que la moitié des valves

Ce taxon se distingue sans peine des quatre espèces sauvages que nous avons décrites pour l'Est du Maroc. Nous ne savons pas si Eruca sativa dans la définition que nous venons d'en donner est présente au Maroc (en tous cas nous ne l'avons pas observée dans l'Est du Maroc), mais il est probable qu'au moins une partie des populations classées comme E. sativa dans la "Petite flore des régions arides du Maroc occidental" (Nègre, 1961) ou dans la "Flore pratique du Maroc" (Fennane & al., 1999-2014) doivent être reclassées en E. longirostris.

At this stage, Eruca sativa Miller is a species well characterized morphologically :

  • basal leaves cut out, ending in a large lobe
  • erect habit
  • floral stems ending in a small cluster of unbloomed buds
  • caducous calyx
  • hairless siliqua with a beak shorter than half of the valves

This taxon is easily distinguished from the four wild species that we have described for eastern Morocco. We do not know if is present in Morocco (in any case we have not observed it in eastern Morocco), but it is probable that at least a part of the populations classified as E. sativa in the "Petite flore des régions arides du Maroc occidental" (Nègre, 1961) or in the "Flore pratique du Maroc" (Fennane & al., 1999-2014) should be reclassified as E. longirostris.