Les populations des zones de transition
Plant populations in transition zones
Nous avons jusqu'ici repéré quatre espèces d'Eruca pour l'Est du Maroc en nous basant à chaque fois sur des populations denses et homogènes dont nous avons observé des pieds à leur différents stades.
Ces populations sont-elles les seules, ou y-a-t-il encore des espèces à découvrir ? Il est peu probable qu'une nouvelle espèce ait pu nous échapper dans l'Est du Maroc, par contre l'Ouest du maroc ou l'Algérie abritent des populations de E. vesicaria et réservent peut-être encore des surprises.
Ce qui est certain par contre :
- on rencontre un peu partout des pieds isolés de roquettes ou des populations très lâches ; ces pieds sont le plus souvent des jeunes pieds et il est généralement difficile ou aléatoire de vouloir les rattacher à une des espèces déjà décrites
- lorsque nous avons parcouru les exsiccatas d'Eruca dans l'herbier de Genève ou dans l'herbier du Maroc oriental à l'ECWP ou les scans de gbif.org ou recolnat.org, nous avons vu beaucoup de planches pour lesquelles nous étions bien incapables de proposer une détermination ou qui ne ressemblaient à rien de ce que nous connaissions déjà.
Nous ne sommes pas les premiers à être perplexes devant des exsiccatas de roquettes, un botaniste de renom comme Gomez-Campo l'a été bien avant nous. Et les roquettes ne sont pas les seules crucifères à générer de la perplexité, l'étude du genre Eruca est sans doute une partie de plaisir en comparaison avec celle de Diplotaxis.
We have so far spotted four species of Eruca for eastern Morocco, each time based on dense and homogeneous populations of which we have observed plants at their different stages.
Are these populations the only ones, or are there still species to be discovered ? It is unlikely that a new species could have escaped us in eastern Morocco, on the other hand western Morocco or Algeria are home to populations of E. vesicaria and may still have some surprises in store.
What is certain, however :
- one meets almost everywhere isolated feet of rockets or very sparse populations ; these feet are most often young feet and it is generally difficult or uncertain to want to attach them to one of the species already described
- when we have browsed the exsiccatas of Eruca in the herbarium of Geneva or in the herbarium of eastern Morocco at the ECWP or the scans of gbif.org or recolnat.org, we saw a lot of exsiccatas for which we weren't able to come up with a determination or which were unlike anything we already knew.
We are not the first to be puzzled by rocket exsiccatas, a renowned botanist like Gomez-Campo was long before us. And rockets are not the only crucifers to generate perplexity, the study of the genus Eruca is undoubtedly a piece of cake in comparison to that of Diplotaxis.
Mais essayons de comprendre les causes de ces difficultés. D'après ce que nous avons pu voir dans notre étude, il y en a deux :
1) Variabilité morphologique au cours des différents stades de croissance
Les roquettes sont des espèces pionnières qui colonisent des sols nus ; elles germent en masse très rapidement après les premières pluies d'hiver ou de début de printemps. Elles connaissent alors une croissance qui peut être très rapide tant que le sol reste humide et que la chaleur est suffisante, mais qui peut être interrompue à tout moment par une vague de froid ou par quelques jours de sirocco. Sauf années exceptionnelles où des conditions favorables perdurent plusieurs mois d'affilée, les Eruca ont une croissance saccadée. Cette alternance de périodes favorables et hostiles agit forcément sur la croissance des feuilles et des tiges et peut altérer leurs dimensions, leur forme et peut-être même des caractères secondaires comme la couleur ou la pilosité des tiges.
A celà s'ajoute ce que nous avons déjà noté précédement, que les parties les plus utiles pour déterminer les Eruca sont les tiges fructifiées arrivées à maturité, et que ce stade arrivant en dernier, il a pu cumuler tous les aléas des stades précédents.
2) Populations stables et populations fugaces
Les grandes stations de roquettes correspondent à des zones écologiquement favorables pour ces plantes ; elles y ont une croissance optimale et le botaniste de passage peut écarter sans peine les pieds mal formés ou broutés pour étudier des pieds bien formés.
Mais les roquettes ont des petites graines aisément transportées par le vent. Elles peuvent être disséminées un peu partout, dans des milieux qui leur sont moins favorables et où elles germeront pourtant à la première pluie. Ces populations fugaces risquent fort d'être composées d'individus mal formés ou mal développés parce que les conditions du sol ou du climat ne seront pas optimales, ou parce que des pieds isolés rendus bien visibles par leurs fleurs jaunes seront rapidement ététés par les chèvres et les moutons. Si ces pieds fleurissent, leur faible densité conduira à ce que les insectes produiront plus d'auto-pollinisation que de pollinisation croisée, ce qui n'est évidemment pas favorable à la perpétuation de populations vigoureuses.
But let's try to understand the causes of these difficulties. From what we could see in our study, there are two :
1) Morphological variability during different stages of growth
Rockets are pioneer species that colonize bare soil ; they germinate en masse very quickly after the first rains in winter or early spring. They then experience a growth which can be very fast as long as the soil remains moist and the heat is sufficient, but which can be interrupted at any time by a cold weather or by a few days of sirocco.
Except in exceptional years when favorable conditions persist for several months in a row, Eruca grow stunted. This alternation of favorable and hostile periods necessarily acts on the growth of leaves and stems and can alter their size, shape and perhaps even secondary characters such as the color or hairiness of the stems.
To this is added what we have already noted previously, that the most useful parts to determine the Eruca are the fruited stems which have reached maturity, and that this stage arriving last, it was able to accumulate all the hazards of the previous stages.
2) Stable populations and fleeting populations
The large rocket stations correspond to ecologically favorable zones for these plants ; they grow optimally there and the visiting botanist can easily remove badly formed or grazed plants to study well-formed plants.
But rockets have small seeds that are easily blown by the wind. They can be scattered everywhere, in environments which are less favorable to them and where they will nevertheless germinate at the first rain.
These fleeting populations are very likely to be composed of poorly developed individuals because the soil or climate conditions will not be optimal, or because isolated plants made clearly visible by their yellow flowers will quickly be eaten by the goats and sheep.
If these plants flower, their low density will lead to the insects producing more self-pollination than cross-pollination, which is obviously not conducive to the perpetuation of vigorous populations.
Des deux remarques ci-dessus on peut tirer deux conclusions :
- d'un point de vue chorologique, toute observation d'Eruca mérite d'être notée, mais il serait imprudent de vouloir attribuer un nom d'espèce ou de sous-espèce à des exsiccatas de pieds jeunes ou mal formés ou issus de populations fugaces. Beaucoup d'exsiccata ne peuvent être nommés que Eruca sp.
- d'un point de vue taxonomique, la démarche la plus prudente est de se limiter à travailler sur des échantillons bien formés, matures pris dans des populations stables. L'étude des populations doit donc précéder les études morphologiques ou génétiques et guider la collecte de plantes échantillons.
From the two remarks above we can draw two conclusions :
- from a chorological point of view, any sighting of Eruca is worth noting, but it would be unwise to attempt to assign a species or subspecies name to exsiccatas of young or malformed plants or from fleeting populations.
Many exsiccata can only be named Eruca sp. - From a taxonomic point of view, the most prudent approach is to limit oneself to working on well-formed, mature samples taken from stable populations.
Population studies must therefore precede morphological or genetic studies and guide the collection of plant samples.
Illustrons notre propos en commentant des types d'Eruca que nous n'avons pas retenus :
Let us illustrate our point by commenting on the types of Eruca that we did not retain :
? ? ? Eruca brevirostris ? ? ?
? ? ? Eruca deserti ? ? ?
? ? ? Eruca lanceolata ? ? ?
? ? ? Eruca longistyla ? ? ?
? ? ? Eruca stenocarpa ? ? ?
Donnons enfin des exemples de photos de jeunes pieds que nous n'avons pas su identifier dans des populations fugaces :
Finally, let's give examples of photos of young plants that we have not been able to identify in fleeting populations :
Noter que les deux dernières photos, pourtant très dissemblables, ont été prises dans la même station !
Note that the last two photos, although very dissimilar, were taken in the same station !